Niveau : Terminale
Thème : Français/littérature
L'Homme du XXe face aux avancées du monde
Bonjour à tous !
Aujourd'hui, nouvelle petite fiche de révision. Petit retour sur l'une des œuvres que nous avons étudié cette année en classe.
Ce fut une lecture parfois complexe mais inspirante qui alimenta nos discussions autour de quelques sujets comme :
L'absurde
La révolte
Le rôle de l'artiste et sa relation au monde
Il est probable que ces notions complexes ne vous paraissent plus très claires après un rude hiver ! (hé!)Piqûre de rappel !
Pour commencer, place au maître, ce cher Albert avec ces trois extraits:
Extrait n°1 : Le suicide (Le
Mythe de Sisyphe,
1942)
Il n'y a qu'un problème
philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie
vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la
question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a
trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient
ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. Et s'il est
vrai, comme le veut Nietzsche, qu'un philosophe, pour être
estimable, doive prêcher d'exemple, on saisit l'importance de cette
réponse puisqu'elle va précéder le geste définitif. Ce sont là
des évidences sensibles au cœur, mais qu'il faut approfondir pour
les rendre claires à l'esprit.
Si je me demande à quoi juger
que telle question est plus pressante que telle autre, je réponds
que c’est aux actions qu’elle engage. Je n’ai jamais vu
personne mourir pour l’argument ontologique. Galilée, qui tenait
une vérité scientifique d’importance, l’abjura le plus aisément
du monde dès qu’elle mit sa vie en péril. Dans un certain sens,
il fit bien. Cette vérité ne valait pas le bûcher. Qui de la Terre
ou du Soleil tourne autour de l’autre, cela est profondément
indifférent. Pour tout dire, c’est une question futile. En
revanche, je vois que beaucoup de gens meurent parce qu’ils
estiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. J’en
vois d’autres qui se font paradoxalement tuer pour les idées ou
les illusions qui leur donnent une raison de vivre (ce qu’on
appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison
de mourir). Je juge donc que le sens de la vie est la plus pressante
des questions.
Extrait n°2 : L’absurde
(Le Mythe de
Sisyphe, 1942)
Il arrive que les décors
s'écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine,
repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi
mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette
route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le «
pourquoi » s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée
d'étonnement. « Commence », ceci est important. La lassitude est à
la fin des actes d'une vie machinale, mais elle inaugure en même
temps le mouvement de la conscience. Elle l'éveille et elle provoque
la suite. La suite, c'est le retour inconscient dans la chaîne, ou
c'est l'éveil définitif. Au bout de l'éveil vient, avec le temps,
la conséquence : suicide ou rétablissement. En soi, la lassitude a
quelque chose d'écœurant. Ici je dois conclure qu'elle est bonne.
Car tout commence par la conscience et rien ne vaut que par elle. Ces
remarques n'ont rien d'original. Mais elles sont évidentes : cela
suffit pour un temps, à l'occasion d'une reconnaissance sommaire
dans les origines de l'absurde. Le simple « souci » est à
l'origine de tout.
De même et pour tous les jours
d'une vie sans éclat, le temps nous porte. Mais un moment vient
toujours où il faut le porter. Nous vivons sur l'avenir : « demain
», « plus tard », « quand tu auras une situation », « avec
l'âge tu comprendras ». Ces inconséquences sont admirables, car
enfin il s'agit de mourir. Un jour vient pourtant et l'homme constate
ou dit qu'il a trente ans. Il affirme ainsi sa jeunesse. Mais du même
coup, il se situe par rapport au temps. Il y prend sa place. Il
reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'il confesse
devoir parcourir. Il appartient au temps et, à cette horreur qui le
saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait
demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser. Cette révolte
de la chair, c'est l'absurde.
Un degré plus bas et voici
l'étrangeté : s'apercevoir que le monde est « épais », entrevoir
à quel point une pierre est étrangère, nous est irréductible,
avec quelle intensité la nature, un paysage peut nous nier. Au fond
de toute beauté gît quelque chose d'inhumain et ces collines, la
douceur du ciel, ces dessins d'arbres, voici qu'à la minute même,
ils perdent le sens illusoire dont nous les revêtions, désormais
plus lointains qu'un paradis perdu. L'hostilité primitive du monde,
à travers les millénaires, remonte vers nous. Pour une seconde,
nous ne le comprenons plus puisque pendant des siècles nous n'avons
compris en lui que les figures et les dessins que préalablement nous
y mettions, puisque désormais les forces nous manquent pour user de
cet artifice. Le monde nous échappe puisqu'il redevient lui-même.
Ces décors masqués par l'habitude redeviennent ce qu'ils sont. Ils
s'éloignent de nous. De même qu'il est des jours où, sous le
visage familier d'une femme, on retrouve comme une étrangère celle
qu'on avait aimée il y a des mois ou des années, peut-être
allons-nous désirer même ce qui nous rend soudain si seuls. Mais le
temps n'est pas encore venu. Une seule chose : cette épaisseur et
cette étrangeté du monde, c'est l'absurde.
Extrait n°3 : La révolte
(extrait de L’Homme
révolté,
1951)
Voici le premier progrès que
l'esprit de révolte fait faire à une réflexion d'abord pénétrée
de l'absurdité et de l'apparente stérilité du monde. Dans
l'expérience absurde, la souffrance est individuelle. À partir d'un
mouvement de révolte, elle a conscience d'être collective, elle est
l'aventure de tous. Le premier progrès d'un esprit saisi d'étrangeté
est donc de reconnaître qu'il partage cette étrangeté avec tous
les hommes et que la réalité humaine, dans sa totalité, souffre de
cette distance par rapport à soi et au monde. Le mal qui éprouvait
un seul homme devient peste collective. Dans l'épreuve quotidienne
qui est la nôtre, la révolte joue le même rôle que le cogito dans
l'ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette
évidence tire l'individu de sa solitude. Elle est un lieu commun qui
fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc
nous sommes.
La classe... |
Proposition
de synthèse :
L'Absurde
Dans
le langage courant, ce mot désigne ce qui n'a pas de sens (par
exemple, "une décision absurde").
Ce concept a été défini par Camus dans Le
Mythe de Sisyphe
(1942), repris dans L'Etranger
(1942), puis au théâtre dans Caligula
et Le Malentendu
(1944).
L'Absurde
commence avec la prise de conscience du caractère machinal de
l'existence et de la certitude de la mort à venir au bout d'une vie
où le temps fait succéder inexorablement chaque jour l'un à
l'autre (« Sous l'éclairage mortel de cette destinée,
l'inutilité apparaît. Aucune morale, aucun effort ne sont a priori
justifiables devant les sanglantes mathématiques de notre
condition »). L'Absurde naît aussi de l'étrangeté
du monde qui existe sans l'homme et qu'il ne peut véritablement
comprendre.
L’absurde
est ainsi la conséquence de la confrontation de l’homme avec un
monde qu'il ne comprend pas et qui est incapable de donner un sens à
sa vie (« Ce divorce entre l'homme et sa vie, l'acteur et son
décor, c'est proprement le sentiment de l'absurdité. »)
La
Révolte
Pour
Camus, il n'est pas question de renoncer face à l'absurdité de la
vie. La révolte, concept développé par Camus dans L'Homme
révolté en 1951,
est une réponse à l'absurde.
Il
s'agit pour Camus de dépasser
l'absurde avec des moyens purement humains,
sans chercher le secours d'une quelconque transcendance (par exemple,
dans la religion) ou d'une quelconque idéologie (par exemple, le
marxisme ou l'existentialisme). Camus ne propose pas de solution
toute faite et préétablie mais considère que cette révolte doit
prendre la forme d'une
action collective où
l'homme est pleinement conscient de sa condition (« Je me
révolte donc nous sommes », dira-t-il dans L'Homme
révolte).
C'est
ainsi que la solidarité
entre les hommes devient une valeur fondatrice dans La Peste et
qu'elle permet de faire face à l'Absurde, comme en témoigne la
lutte du docteur Rieux et des formations sanitaires à ses côtés.
Rieux est alors l'exemple de l'homme révolté dont l'engagement
individuel et collectif, avec des moyens uniquement humains, vient à
bout de l'absurdité de la vie, symbolisée par le fléau de la
peste.
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